VINCENT MOTARD-AVARGUES
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Yoko en noir autour d'elle tout est blanc et menaçant, J.M. Flahaut

4/2/2022

 
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Yoko Ono, cette image d’elle, enregistrement vidéo d’une répétition des Beatles, pose lascive, mouvements félins, regard flou ; on ne sait pas ce qu’elle pense, ressent, éprouve, endure, pas plus que ce qu’elle désire – elle ne dit, n’exprime rien. On ne sait pas mieux qui elle est, ce qu’elle fait. On sait seulement qu’elle est la compagne, puis la femme de John Lennon. On la voit comme une ombre, une suite ; d’autres la perçoivent comme une manipulatrice, perverse. D’autant plus depuis cette photo, magnifique, longtemps incomprise. 

« l’hiver arrive
John retire toutes ses fringues
et s’allonge sur le sol
Yoko le rejoint
il se cramponne à elle comme
un bébé s’accroche à
sa mère il s’accroche
à Yoko comme on
s’accroche à la vie
quelqu’un prend la photo
comme après un accouchement »

Je vois cette photo comme l’envie de dire que l’homme naît de la femme, pas l’inverse. L’homme, John, né de Yoko. L’homme enfin lui-même, complètement lui-même. L’homme qui, grâce à sa femme, a enfin pu découvrir, exploiter, développer son véritable univers artistique propre. Celui qu’il a toujours eu, en lui, mais, pour diverses raisons, autant sociales que relationnelles, n’a pu développer auparavant. Avec elle, avec Yoko, il le pourra, le devra même. Elle n’aurait pas toléré qu’il reste le Lennon du couple avec McCartney ; un songwriter brillant, certes, un chanteur de pop universel, oui, mais qui, avant sa rencontre avec Yoko, avant sa rencontre avec lui-même, donc, n’était que cela, un chanteur de pop, songwriter brillant. Avec elle, avec lui depuis elle, il deviendra rien de moins qu’une icône, pas une idole, non, une icône. Icône de l’adolescence, de la combativité positive, de l’espoir, de la candeur sans doute, un peu, oui, mais aussi, surtout, de la résistance, envers et contre tout, avec la plus simple des armes, l’absence d’armes. Tout cela venu d’elle, grâce à elle ? Oui et non. 

« les rêves de Yoko
ont fini par devenir
ceux de John
s’asseoir sur les marches
observer les étoiles
respirer
au lieu de travailler
l’art de ne rien faire 
de sa vie
pour faire de sa vie
une œuvre d’art »

Mais Yoko Ono, elle, n’a pas attendu John Lennon, pour devenir ce qu’elle est, et ce qu’elle est encore, aujourd’hui. Elle est artiste, depuis toujours, depuis l’enfance, depuis la guerre, le Japon sous la dictature de son empereur, puis la dévastation de l’après-guerre, et la soumission toute relative à l’Occident. La guerre, pour Yoko Ono, n’a jamais été une chose lointaine, virtuelle, elle l’a vécu jusque dans sa chair, au quotidien. Le combat pour la paix, elle l’avait déjà en elle depuis l’enfance, cette nécessité de crier stop, ce besoin de hurler l’humanité, la vraie, celle qui ne s’embarrasse pas de longs discours creux, vagues, ou plats. Yoko Ono a crié son amour de l’être humain, de tout être humain, malgré tout et parfois même malgré elle, même face à l’adversité, l’incompréhension amusée des volontairement simples d’esprit vis-à-vis de son œuvre, de sa vie, de ses combats, et souvent de ce racisme qui ne dit pas vraiment son nom (son non.) Et même si, parfois, elle a un temps, un peu baissé les bras, par lassitude, par fatigue, elle n’a jamais arrêté de combattre, toujours combattu avec l’espoir, le sourire… ce fameux  YES qui en dit long, qui dit tout. Un oui, même petit, même lointain, même accroché à un plafond, visible qu’à l’aide d’une loupe, est malgré tout d’une force, d’un pouvoir supérieur à toute force, tout pouvoir armé, et donc négatif. Le OUI de la vie.

« c’était la guerre
on fuyait les bombardements
dit Yoko
mon frère avait si faim
qu’il allait en mourir de chagrin
qu’aimerais-tu manger
j’ai dit
de la crème glacée
il a répondu
alors
ferme les yeux
écoute le son de ma voix
suis mes instructions
et j’ai vu
naître le bonheur
sur son visage
c’était ma première
création artistique
et elle avait rendu
quelqu’un heureux »

Il y a eu un avant et un après. Ou pas. Yoko Ono vivait avant John Lennon, elle vit après lui, et elle n’a pas changé, pas d’un iota. Elle est ce qu’elle est et a toujours été et sera toujours. Une femme qui crée, qui maîtrise sa vie sans maitriser l’autre, qui dirige sa vie en offrant des possibilités à d’autres et sans jamais les manipuler. Pas parfaite, bien sûr. Mais pas imparfaite, non plus. Elle n’a pas été la perfide destructrice des Beatles, pas plus que la marionnettiste de Lennon. Un groupe naît, vit, meurt. Un artiste aussi génial que Lennon n’a besoin de personne d’autre que de lui-même pour devenir lui-même ; même si a parfois besoin d’une mentor pour pouvoir s’explorer pleinement, s’exprimer totalement. Elle a été, elle est cette lumière, depuis sa première création artistique, enfant, à ce phare de la paix qu’elle vient récemment d’inaugurer. Et elle le restera, Artiste.

« un jour
je serai vieille
confesse Yoko
(dans votre esprit
en tout cas)
j’aurai 85 ans
je continuerai 
à poser
en mini-short
pour les shootings photos
à syncoper ma voix
sur de la musique
je me fiche pas mal
du regard des gens
je me moque de savoir
ce qu’ils pensent de moi
je me bouche les oreilles
j’entends l’océan
laissez-moi être
ou bouclez-la
laissez-moi suivre ma voie
tant que la poésie
tient ma vie entre ses mains
je n’ai pas peur de mourir
car je ne vieillis pas. »


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